Vivre en bord de mer : beau oui, mais dangereux aussi !

Dans ce dernier épisode des éclaireurs, les scientifiques de l’université de Nantes se penchent sur une question devenue malheureusement cruciale après le drame causé par la tempête Xynthia à l’hiver 2010, en particulier dans le village de la Faute-sur-Mer en Vendée où 29 personnes, en majorité des personnes âgées et des enfants, avaient trouvé la mort, noyés dans leurs maisons. En tout, en France, cette tempête avait causé la mort de 47 personnes.

La plupart des victimes de La Faute-sur-Mer avaient élu domicile dans un lotissement récent, bâti au pied d’une digue, dans une cuvette. La question des permis de construire dans des lieux de ce type et de l’efficacité à double tranchant des digues, qui en l’occurrence, submergées, avaient ensuite retenu l’eau, la maintenant à un niveau très élevé, s’était alors cruellement posée.

Le scénario envisagé par les chercheurs place un jeune couple désireux d’habiter en bord de mer face à trois choix : une maison nécessitant beaucoup de travaux mais un peu moins chère à l’achat que celles plus proches de l’eau, un autre face à une digue et une troisième face à la mer. Après une tempête, le jeune couple est heureusement sauf, car il a été prévenu à temps par le plan de prévention de la commune, mais selon les maisons, le bilan matériel est différent : la maison la plus éloignée de la mer a le moins souffert, celle qui était proche de la digue a été protégée mais celle qui était la plus proche de la mer a été balayée par la tempête…

Deux chercheurs de l’Université de Nantes tirent dans une interview les leçons, en particulier des suites de la tempête Xynthia. « Les maisons situées dans les zones le plus dangereuses étaient celles qui étaient construites dans les zones les plus basses où du coup, potentiellement, on peut avoir des hauteurs d’eau importantes », explique Axel Créach, géographe. Pour les maisons proches des digues, « ces digues ont été submergées, on a eu une élévation extrêmement rapide du niveau d’eau ». Risque supplémentaire, de nombreuse maisons étaient sans étage et donc ne permettaient pas de se réfugier en hauteur.

A contrario, les chercheurs se sont penchés sur une tempête historique, sur l’île de Noirmoutier, en 1937, a priori bien plus forte que Xynthia, mais qui n’avait causé aucun décès. « On a eu une chaine d’alerte qui a été très efficace, des habitants qui se sont réfugiés sur leur toit, ou évacués dans des zones qui étaient connues de mémoire d’homme pour n’avoir jamais été inondées », relate Axel Créach.

« Conscience et mémoire du risque ont progressivement disparu depuis les années 50. En témoignent notamment les consignes qui ont été données au moment de la tempête Xynthia, qui étaient de se calfeutrer chez soi et de fermer les volets pour se protéger du vent. L’idée qu’on pouvait être inondé n’a frappé personne… », ajoute-t-il.

« Depuis 50 ans il y a une augmentation de l’urbanisation qui est très importante, et vont cohabiter sur ce littoral, à la fois des populations qui y travaillent et donc qui ont peut-être un regard sur le risque plus juste, plus conscient, et des populations qui y habitent, qui vont peut-être travailler dans les terres ou qui viennent simplement en villégiature. Des populations qui ont regard totalement différent à la fois sur ce que la mer peut apporter et le degré de risque auquel ils s’exposent », explique l’économiste Sophie Pardo. « Certains vont l’accepter et vont vivre avec et d’autres vont le rejeter et ne pas en avoir conscience ».

« D’où la difficulté, notamment pour les pouvoirs publics de prendre des mesures qui contentent tout le monde et qui sont comprises aussi par l’ensemble de la population », conclut-elle.

Alexandra Turcat, journaliste pour Le Marin